Extensions De "Power Tool" Pour Le Trail

Jul 2, 2022

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Power Tool a été tout d’abord conçu pour la course à pied et non pour le trail. On pourrait penser que courir en montagne et sur des chemins ce doit être la même chose mais il y a de nombreuses différences qui impactent les algorithmes. Je passe ce qui est plutôt anecdotique comme la nature du terrain, la différence au niveau des chaussures moins performantes, de l’équipement (sac, boissons, tenues de secours, …) qui créent un handicap que l’on n’a pas un course sur route.

Les principales différences résident dans le fait que:

  1. Les bâtons peuvent fausser la puissance même si ils sont utilisés uniquement en descentes ou en montées raides
  2. Le fait de ne pas courir pendant toute la course fausse l’analyse. C’est principalement vrai lorsque le traileur se met à marcher lors d’une section trop pointue ou courir en descente. Le rapport vitesse/puissance ne correspond plus à rien dans ce cas.
  3. La fréquence cardiaque pour une même vitesse sur une route sans dénivelé est bien plus haute qu’en course sur route. C’est certainement dû au fait que la concentration pour lire le terrain est plus importante et que le terrain ne permet pas de profiter du rebond comme sur la route.

Pourquoi se casser les dents sur le trail?

Contrairement à la course à pied, le trail se cours plus au feeling. Les algorithmes du coureur sur route sont quasiment inutilisables.

On peut par exemple prendre le prédicteur de course de Stryd. On pourrait penser qu’il suffit d’entrer une distance et d’essayer de maintenir la puissance. En pratique, c’est irréaliste: dans les montées très raides, il n’est souvent plus possible de courir alors maintenir une puissance cible calculée pour le marathon est le meilleur moyen de se griller. Le même problème se retrouve en descente, là impossible de tenir la puissance car on se retrouve à sa vitesse maximale.

Du côté de Garmin, c’est pas mieux. Il existe certes Pace Pro, mais là aussi on se retrouve devant le même problème: les allures proposées semblent être fantaisistes dès que les pentes dépassent 15%.

Dans les deux cas, ces algorithmes ne peuvent en aucun cas tenir compte de l’irrégularité du terrain et partent du principe que l’ont cours tout le temps.

Bref, les outils de planification en course à pied semblent être peu adaptés au trail, qu’en est-il des outils que nous disposons lors de la course? Il faut reconnaitre que l’allure n’est pas vraiment utilisable. Elle varie trop avec le dénivelé. Il reste alors la fréquence cardiaque. C’est un indicateur pas si mauvais sauf qu’il a un certain nombre de défauts:

  • Elle a tendance à dépendre de l’environnement (température, fatigue…)
  • Elle a un temps de réaction assez faible et il faut, surtout avec le cardio au poignet, attendre au moins 30 secondes pour qu’elle corresponde à l’intensité de l’effort en cours.

Enfin, il existe la VAP (vitesse ajustée selon la pente) mais celle-ci dépend de la détermination de la vitesse qui, avec le GPS, n’est souvent pas très précise en trail vu les problèmes de réception des signaux en montagne. La formule utilisée est aussi purement statique: elle ne tient compte que de la variation d’altitude et de la vitesse instantanée.

Une des formules les plus simples, et souvent très utilisée pour estimer la difficulté d’une trail, est de considérer que le dénivelé positif est équivalent à courir 10x la distance d’une course.

On obtient la formule:

$$ distance_{équivalente} = distance + 10 \times dénivelé $$

D’où:

$$ VAP = \frac{distance + 10 \times dénivelé}{temps} $$

Voilà pour la VAP, une autre idée de métrique en temps réel est d’utiliser la puissance et de généraliser les calculs utilisées sur route aux sentiers. C’est ce que nous allons chercher à faire ici. Plus précisément, nous chercherons ici à traiter le cas des montées. La descente ne nécessite en général aucune assistance car on cours simplement aussi vite que c’est possible et, de toute manière, le coureur peut difficilement regarder sur sa montre sur un terrain accidenté.
Pour l’ascension, on se retrouve souvent devant des choix plus stratégiques:

  • courir ou marcher?
  • quelle vitesse à maintenir?

C’est pour répondre à ces questions que nous allons tenter de trouver des bons outils.

Vitesse équivalente sur piste pour la marche et la course

La formule utilisée pour déterminer l’allure sur piste était pour l’instant pas adaptée au trail. Elle était la suivante:

$$ Vitesse = a \times Puissance + b + c \times Puissance^{3/2} + d \times \sqrt{Puissance}$$

Le principal problème est que les paramètres c et d créent une forte divergence pour toutes les valeurs de puissance non courues sur une surface plane. Pour faire simple, si un coureur cours régulièrement sur piste sur une plage de puissance de 200w à 300w, dès qu’il va courir en descente, il court plus rapidement mais à une puissance inférieure à 200w. Dans ces conditions, les paramètres appris c et d risquent d’être fantaisistes en dehors de la plage de 200w à 300w.

C’est pour cette raison qu’une fonction affine est maintenant utilisée:

$$ Vitesse = a \times Puissance + b $$

J’ai pu vérifier que cette hypothèse donne de très bon résultats et permet de mieux extrapoler les allures équivalentes sur piste dans les fortes pentes (montée et descente).

Pour un meilleur apprentissage, seul les valeurs courues avec une faible variation d’altitude sont prises en compte et elles sont pondérées en utilisant la variance de l’altitude sur 25s de telles sorte que la section la plus plate a un impact plus important sur l’apprentissage.

Enfin, de manière à calculer aussi l’allure équivalente sur piste lors de la marche, deux formules distinctes sont utilisés. On considère que le coureur cours dès que sa cadence dépasse 140 pas/minutes. Enfin, une puissance inférieur à 25W est ignorée de manière à ignorer les moments d’immobilité ou de repos.

Étalonnage

Pour être efficace, il faut procéder à une première séance de calibrage de l’algorithme. L’algorithme apprend la puissance et l’allure sur des périodes de 25s. Il faut donc simplement maintenir sur une route plate et un jour sans vent différentes allures pendant au moins 1 minute.
Comme les paramètres pour la marche et la course sont différents, il faut faire cet apprentissage aussi bien pour la marche que pour la course.

Le protocole le plus simple serait donc une séance d’intervalle en mode run/walk:

  • 5 minutes de marche
  • 5 minutes de course lente
  • 5 minutes de marche rapide
  • 5 minutes de course à l’allure seuil
  • 5x1 minute à l’allure VMA avec 1 minute de marche après chaque intervalle

Il est possible d’afficher sur la montre le champ “Différence avec l’allure sur piste (%)”. Il permet de vérifier la précision en temps réel de l’apprentissage: sur une route plate, la valeur doit osciller autour de zéro avec une amplitude de 2 à 3% maximum.

ATTENTION: Il ne faut pas oublier que le capteur Stryd a un bug lorsque l’on veut l’utiliser pour la marche. Il faut absolument connecter le capteur par une liaison Bluetooth pour éviter de fausses mesures.

Les outils

Deux types d’outils sont mis à disposition en mode trail uniquement:

  1. Un calcul de l’allure équivalente sur piste pour la marche comme pour la course
  2. Un calcul de la différence entre la vitesse actuelle et la vitesse équivalente sur piste en pourcentage.

Le premier permet de doser son effort et les ramener aux zones d’allures. Imaginons, par exemple, que la VMA d’un coureur soit de 15km/h (donc une allure de 4:00 au km), nous savons que l’on est capable de tenir cette allure pendant 5 minutes environ, donc au moment de monter une pente de 1km, il vaut mieux ne pas dépasser cette allure équivalente sur piste pour ne pas flancher avant la fin. Pour de très forts dénivelés, il n’est pas impossible que l’allure sur piste en marche soit comparable à celle de la course à pied. On se retrouve donc avec des zones d’allures pour la course à pied (visualisées avec des couleurs différentes à l’écran) qui sont valides tout aussi bien pour la marche en côte que pour la course.

Le deuxième calcul permet de mesurer la perte ou le gain de vitesse en montée ou en descente. Le calcul n’a rien a voir avec le pourcentage d’une pente indiquée sur les panneaux de circulation. Ici, -50% veut dire que l’on est 50% plus lent que sur le plat. Bien sûr, sur une section plane cette valeur doit être proche de zéro.
Le champ ““Différence avec l’allure sur piste (%)” permet d’afficher cette valeur en temps réel. Et, Power-Tool propose aussi de définir une alarme qui suggère de marcher lorsqu’on descend en dessous d’un certain seuil.

Sur le terrain

J’ai décidé de tester lors d’une course la pertinence de l’allure équivalente sur piste. J’ai mis de côté l’alerte invitant à marcher car il faudrait arriver à trouver les bons réglages et à les tester sur diverses dénivelés avant le départ. Je n’ai pas pu le faire par manque de temps.

Koasamarsch

Le trail choisit pour le test est le KOASA-Classic Run. Une petite vidéo permet de savourer le parcours:

Koasa Carte
KOASA Classic Run - Carte

Koasa Altitude
KOASA Classic Run - Altitude

Ce trail a un certain nombre de difficultés:

  • Il débute par une ascension de 1000m sur 5km, soit une pente en moyenne de 20%.
  • Ensuite, une course sur les hauteurs de 10km. Là ce sont des successions de petites montées et de descentes, très techniques.
  • Une descente très technique au début car très raide.
  • Pour finir, un 5 km sans dénivelé mais en plein soleil, ce qui n’est pas rien puisqu’avec la canicule, la température dépassait les 30°

Bref, d’une manière générale, il s’agit ici bien gérer son effort au début pour ne pas s’écrouler vers la fin. Et je peux dire que j’en ai vu plus d’un qui ne pouvaient plus courir les derniers kilomètres.

La stratégie

Pour ma part, tout mon entraînement était en plaine avec le week-end des sorties en moyenne montagne. Les dénivelés étaient beaucoup plus faible avec des pentes plutôt proches de 10% qui restaient facile à courir. Bref, mon entraînement était physiquement suffisant pour aborder un trail en haute montagne mais il reste le problème de la gestion de l’effort au cours de la course. C’est un peu le même dilemme pour la préparation à un premier marathon: on suit les sessions d’entraînement à la lettre mais au jour J, on se retrouve devant la question cruciale: quel allure maintenir sur la course?

La course est de 33km avec 1800m de dénivelé. Donc, si on applique la formula magique, cela correspondrait à une course de 33 + 1800/100 = 51km. Je suis un coureur moyen que fait le marathon en 4h, soit une allure de 5:45. Pour cette distance équivalente de 51km, je vise une allure cible plus faible de 6:10.

Cette allure cible va être celle que je vais essayer de maintenir dans la première montée. Ensuite, pour le reste de la course, je continue au feeling en comptant sur le fait que je vais mémoriser intuitivement l’intensité de l’effort à fournir. Les 5 deniers kilomètres à plat seront le test pour savoir si j’ai ou non pu gérer correctement mon effort.

Les résultats

Pour la première montée de 5km avec une pente de 20%, il était simplement impossible de courir. C’est pas tout à fait vrai car la montée était très irrégulière. Il y avait de ce fait régulièrement des petites sections de 10m presque plates suivi d’une bosse raide. On théorie, on aurait pu grappiller quelques secondes en courant par intermittence. J’ai donc abordé cette partie à marche forcée. Power Tool affichait alors l’allure équivalente sur piste qui était autour 5:45 au début, j’ai ensuite ralenti progressivement pour passer au dessus de 6:00. Au niveau cardio, je me retrouvait à peu près la fréquence cardiaque qui correspond à l’allure marathon. Mais, le principal avantage de la puissance est que j’avais un retour dans les trois secondes au moment d’aborder une pente. La fréquence cardiaque était une moyenne sur plusieurs dizaines de secondes, ce qui la rendait inutilisable vu l’irrégularité du terrain.

Au premier sommet, je suis passé au feeling. De toute manière, le terrain était une succession de courtes montées très techniques et de descentes difficiles à courir en continue. J’ai juste essayé de maintenir la même limite d’intensité de 6:00 lors des montées, les descentes étaient plus ou moins un moyen de récupérer.

Pour finir, les derniers dix kilomètres étant plus roulant, j’ai à nouveau pu utiliser l’allure sur piste pour cibler les 6:00 au kilomètre. Quand au final, les cinq derniers kilomètres à plat et en pleine canicule, je les ai maintenus avec une allure de 6:20 sans forcer.

Au final, utiliser l’allure sur piste apprise pendant la course et la marche a été un choix assez pertinent. Je ne dirais pas qu’il faut avoir l’oeil sur la montre pendant toute la course. Mais, justement au début, quand on est encore en pleine forme, on a tendance à partir trop fort, c’est particulièrement utile pour doser son effort. J’ai été surpris que dès que l’on abordait une pente raide de plus de 10m, la mesure de l’effort était suffisamment fiable pour être utilisable et ce, que ce soit lors de la marche comme lors de la course.

Par contre, en ce qui concerne la descente, j’ai simplement pas regardé la montre. C’était tellement technique que je ne voulais pas me planter…

Conclusion

L’utilisation combinée du capteur de puissance et de l’allure sur piste fonctionne bien pour gérer ses efforts en trail si on a une bonne idées de son niveau sur route. Il reste bien sûr le problème de définir les allures cibles.

Le principal avantage par rapport à la fréquence cardiaque est la réactivité, en l’espace de 2-3 secondes, l’effort est mesuré et on ne se retrouve pas comme avec la fréquence cardiaque: avoir une valeur haute lorsqu’on est souvent déjà essoufflé.

Pour la petite anecdote, on aurait pu penser que la fonction Stamina des montres Garmin aurait été l’algorithme idéal pour un trail. Sur le papier, il aurait été possible de gérer sa réserve énergétique en temps réel. Sur le papier car… il m’aurait conseillé d’abandonner au bout de la première côte!

Koasa Carte
KOASA Classic Run - Algorithme Stamina


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