Jun 5, 2021
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Depuis peu, tout le monde semble s’intéresser au ressenti en course à pied. Garmin vient de diffuser une version des montres Forerunner qui permettent de le renseigner en fin de course. Et, Nakan a même publié un podcast qui fait le tour d’horizon de la sensation et du RPE.
D’une manière simpliste, le RPE (Rating of Perceived Exertion) correspond à la difficulté de l’exercice noté de 1 à 10 (10 étant le plus difficile). La sensation décrit la forme du moment, notée de 1 à 5 (5 est le top de la forme) et souvent représenté par des smileys. Nous nous intéresserons ici qu’à la sensation.
Je trouve que c’est une bonne chose d’inclure ses sensations pour enrichir les
mesures des courses. Cela permet de mettre en correspondance ses progressions
avec la forme du moment. C’est primordial quand on cherche à faire une analyse
a posteriori après plusieurs jours ou pour le partage de la session avec son
entraîneur.
Il existe même des algorithmes qui estiment la charge à partir de ces
informations comme celle de Foster1 (qui n’utilise que le RPE).
Et, c’est justement là qu’on peut poser certaines questions…
En fait pour faire un suivi précis à long terme, il faut déjà pouvoir estimer
sa sensation et son RPE de manière précise. C’est pas vraiment évident si on y
réfléchit bien.
Il faut tout d’abord évaluer la difficulté de l’exercice et la placer sur une
échelle de 1 à 10. C’est pas facile de le faire de manière objective. Essayez,
par exemple, d’ordonner par difficulté les 3 exercices suivants:
Difficile de les placer sur une échelle de difficulté. Alors si en plus on tient compte des séances de fitness, de vélo ou de natation, on rajoute la difficulté de comparer des activités sportives très différentes.
Et puis, sur le long terme quel est la garantie que nous gardons la même quantification des intensités? Il est clair qu’à force de s’entrainer, on s’améliore. La difficulté d’un même exercice évolue en fonction de sa forme. Mais qui dit que la quantification reste identique sur le long terme? Comment être sûr qu’un RPE d’une activité faire l’an dernière est évaluée avec les mêmes critères que maintenant?
Pour la sensation, on se retrouve devant le même problème. Mais, il y aune
difficulté supplémentaire: on risque de se faire influencer par la nature de
l’exercice.
Comment comparer sa forme lors d’un 5 km à allure du 10km avec celle d’une
course d’endurance fondamentale? On risque de se faire influencer par la
difficulté de l’exercice pour évaluer sa forme.
Bref, faire ce genre d’évaluation nécessite de bien se connaitre. Nous allons ici utiliser une approche un peu différente qui consiste à proposer un algorithme qui cherche à évaluer la sensation.
Imaginons que je m’impose de courir à courir tous les jours sur un tapis de course à la même vitesse et le même temps. On se retrouve donc à courir à RPE constant. Cependant, il y aura certains jours où cet exercice sera plus difficile que d’autres. Et dans ce cas, il y a fort à parier que la fréquence cardiaque moyenne a été plus haute.
C’est l’idée de base pour mesurer le ressenti: si la fréquence cardiaque pour le même effort est plus haut, c’est que je suis moins en forme.
Grâce à la mesure de l’efficacité cardiaque, on est capable de mesurer la différence entre la fréquence cardiaque de l’effort type et celle mesurée.
Il nous reste ensuite juste à la convertir sous la forme usuel de la sensation.
Une idée simple est d’utiliser une modélisation par la distribution normale. On suppose que cette différence de fréquence cardiaque subit la loi normale centrée. Il reste à déterminer la moyenne μ et l’écart type σ qui est dans ce cas:
$$ \mu = \frac{\sum_{i=1}^{N} eff(i)}{N} $$ $$ \sigma = \sqrt{\frac{\sum_{i=1}^{N} (eff(i)-\mu)^2}{N}} $$
N est le nombre de courses effectuées, et eff(i) est l’efficacité cardiaque pour chacune d’entre elle.
Maintenant que nous avons déterminé les paramètres de la loi normale, il ne
reste plus qu’à définir les zones de perception. On va supposer que
l’efficacité cardiaque se répartie de manière équiprobable.
On utilise pour l’inverse de la fonction de répartition de cette loi pour
déterminer les intervalles de probabilité.
La fonction de répartition est:
$$ cdf( x ) = \frac{ 1 + erf( \frac{x - \mu}{\sigma \times \sqrt{2}} ) }{2} $$
Son inverse est alors:
$$ invcdf( p ) = \sigma \sqrt{2} \times inverf( 2p - 1 ) + \mu $$
inverf est l’inverse de la fonction d’erreur2.
Ce qui donne le tableau suivant:
Perception | Probabilité | Intervalle d’efficacité | Résultat |
---|---|---|---|
1 😫 | [0-0.2] | eff - μ < invcdf(0.2) | eff - μ < -0.8416212σ |
2 😒 | [0.2-0.4] | invcdf(0.2) < eff - μ < invcdf(0.4) | -0.8416212σ < eff - μ < -0.2533471σ |
3 😑 | [0.4-0.6] | invcdf(0.4) < eff - μ < invcdf(0.6) | -0.2533471σ < eff - μ < 0.2533471σ |
4 😄 | [0.6-0.8] | invcdf(0.6) < eff - μ < invcdf(0.8) | 0.2533471σ < eff - μ < 0.8416212σ |
5 😁 | [0.8-1.0] | invcdf(0.8) < eff - μ | 0.8416212σ < eff - μ |
L’algorithme est donc assez simple puisqu’il consiste à mettre à jour la moyenne μ et l’écart type σ à partir de l’efficacité cardiaque de la sessions. Ensuite, il reste de sélectionner la perception en choisissant la bonne ligne.
Le calcul est effectué automatiquement par Power Tool, il suffit donc juste d’installer le champ de données. Néanmoins, aucune donnée ne sera affichée avant les 5 premières courses à pied et je l’ai désactivé pour le trail car l’irrégularité des efforts en trail rend difficile une telle analyse.
En effet, cet algorithme permet de comparer la fréquence cardiaque avec les efforts faits lors des séances précédentes. Ça n’a simplement aucun sens d’afficher quelque chose au bout d’une séance. Il est même nécessaire d’avoir couru des séances à petite et en pleine forme pour qu’il puisse donner quelque chose de pertinent. Un algorithme d’apprentissage statistique comme celui-ci n’est pas capable de deviner mais fait simplement une corrélation avec une situation précédemment apprise.
Ensuite, en ce qui concerne sa pertinence, il faut être conscient que l’on ne se base que sur le rapport entre la fréquence cardiaque et la puissance fournie, ou si on préfère, le rapport entre l’énergie consommée et produite. Ce n’est pas suffisant pour estimer ses sensations. Les douleurs musculaires ne sont pas prises en compte, par exemple. Et il n’est pas sûr qu’une variation de la fréquence cardiaque reflète toujours la forme. Il y a même des cas où une baisse de fréquence cardiaque en endurance peut être le symptôme d’un surentrainement3.
En conclusion, je dirais, que cette estimation reste une bonne indication que l’on peut facilement comparer à son propre ressenti. Et si les deux indiquent la même chose, c’est une belle confirmation qu’on est capable de l’estimer de manière objective.
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